A Cuba, la créativité et l’ingéniosité sont un mode de vie. Cette façon d’aménager et d’occuper le territoire est avant tout dû à l’aspect insulaire de Cuba, à ses multiples déterminations culturelles et sociales et à sa nature centrale dans les Caraïbes. Comment l’architecture cubaine et la façon de concevoir l’espace de vie combine toutes les influences dans un mélange détonant d’originalité et de pittoresque ?
LES INFLUENCES EUROPÉENNES DANS L’ESTHÉTIQUE ET LA THÉORIE SOCIALE
Les Espagnols sont les premiers Européens à s’être installés à Cuba. Ils y ont établi des colonies, comme la Havane, où ils importèrent directement du Vieux Continent les codes esthétiques et les méthodes de construction de la Renaissance. Le néo-mauresque et le baroque espagnol sont omniprésents à Cuba, et permettent de dater un bâtiment, comme l’on daterait des fossiles au carbone 14. Un bâtiment baroque tendance rococo daterait certainement du 17e ou du 18e siècle.
Les vives couleurs qui caractérisent l’architecture cubaine font écho à ce que l’on retrouve au Portugal, en Espagne. Cependant, la domination culturelle, artistique et donc esthétique française en Europe modifiera profondément les tendances architecturales sur l’île. Au milieu du 18e siècle, on passe du baroque exubérant au néoclassique, avec des façades typiquement parisiennes et des bâtiments administratifs qui rappellent Rome ou Athènes. La Havane en particulier commence à ressembler de plus en plus à Paris et à Rome, avec des dômes construits sur le modèle de la basilique Saint-Pierre à Rome.
L’établissement des Français à Haïti renforce l’influence française sur l’île. De son côté, le tissu social cubain commence à acquérir une autonomie socio-économique, et l’exprime artistiquement. Le métissage de la population (entre indigènes précolombiens, Espagnols, Français, esclaves africains, etc.) produit un métissage architectural qui est désormais caractéristique de la Havane.
ADIEU EUROPE !
L’indépendance obtenue de l’Espagne en 1898, puis des Etats-Unis en 1902, signe le renouveau de Cuba.
Résolument tournée vers l’Amérique après quatre ans d’administration américaine, l’île intègre de nouveaux éléments architecturaux. L’on voit alors émerger un nouvel art décoratif où les peintures murales deviennent une part intégrante de la culture urbaine.
Les nouveaux bâtiments officiels s’inspirent de l’architecture américaine de la côte est, comme le fameux Capitolio Nacional qui est une copie presque parfaite du Capitole à Washington.
Les investissements américains contribuent à faire de Cuba une île festive, et l’émergence de casinos, d’hôtels et de boîtes de nuit apportent non seulement la Belle Epoque à Cuba, mais transforment également le tissu social.
Une classe capitaliste locale émerge, adossée à l’exploitation des grandes plantations de tabac et de cannes à sucre, et introduisent une culture artistocrate inspirée directement des élites sudistes.
COMMUNISME ET ART MODERNE
La révolution castriste balaie en 1959 l’influence américaine et apporte au pays une nouvelle conception esthétique : l’art socialiste.
L’on voit alors l’émergence de bâtiments austères, imposants, souvent gris, faisant écho à l’art fasciste italien des années 20-30. Les références à l’antiquité sont courantes, et les vives couleurs des habitations espagnoles néo-mauresques contrastent sévèrement avec cette nouvelle direction architecturale.
La Havane a été au cours des siècles un laboratoire architectural et artistique exceptionnel, où tous les courants ont trouvé un espace d’expression et ont façonné cette ville.
La Havane est véritablement un patchwork, un voyage dans le temps et dans l’espace que peu de villes au monde peuvent véritablement proposer.